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Webzine | 25 mai 2021

ISO (qualité) ou Lean (amélioration continue)?

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Contrôle qualité, assurance qualité, gestion de la qualité : une évolution en faveur du client

Au fil des ans, la qualité a connu plusieurs changements d’interprétation. Les termes « contrôle qualité » et « assurance qualité » ont fini par être définis comme suit :

  • Le contrôle de la qualité recouvre les techniques et activités utilisées pour vérifier après coup la satisfaction des exigences du client. Une inspection et une mesure constituent un contrôle qualité.
  • L’assurance qualité regroupe l’ensemble des activités planifiées qui assurent au préalable que les exigences qualité seront satisfaites. La gestion des indicateurs de performance – incluant l’analyse des tendances et la planification des actions pour s’améliorer – constitue un exemple d’activité d’assurance qualité.

S’ajoute à cela, la gestion – ou management – de la qualité. Elle peut être définie comme une approche de gestion systématique à long terme dont le succès est basé sur la satisfaction du client. Cette gestion vise toutes les activités de l’organisation. Il va donc de soi qu’elle inclut le contrôle de la qualité et l’assurance qualité. Elle fut grandement facilitée par l’arrivée des normes ISO pour les systèmes de management de la qualité (SMQ), en anglais Total Quality Management (TQM)[2]. Un SMQ doit (ou devrait) posséder les caractéristiques suivantes :

  • approche systématique;
  • élimination des activités à non-valeur ajoutée menant à des processus plus efficaces et efficients;
  • amélioration continue;
  • satisfaction des demandes client;
  • implication des gens;
  • poursuite de l’excellence.

ISO pour valider les démarches qualité

Il faut savoir que la famille ISO 9000 couvre déjà les divers aspects du management de la qualité et comprend les normes les plus connues d’ISO. Celles-ci offrent des lignes directrices et des outils aux entreprises qui veulent que leurs produits et services soient constamment en phase avec ce que leurs clients demandent et que la qualité ne cesse de s’améliorer. Plus spécifiquement, ISO 9001 est une norme certifiable qui permet aux entreprises de valider leurs démarches qualité internes via des exigences éprouvées.

Lean pour éliminer la non-valeur ajoutée

Depuis une dizaine d’années, les mots Lean et Six sigma sont apparus régulièrement dans le vocabulaire des entreprises.

Le Lean se définit comme une approche systématique pour identifier et éliminer les activités à non-valeur ajoutée au moyen d’exercices d’amélioration continue, en optimisant le flux du produit ou du service et en respectant et impliquant les employés dans la poursuite de l’excellence. L’idée principale est de maximiser la valeur pour le client en minimisant les gaspillages [3]. C’est davantage une philosophie ou un mode de pensée qu’une boîte à outils.

Six sigma pour éliminer les défauts et stabiliser les processus

Le Six sigma est une mesure de qualité qui vise la perfection [4]. Il sert à décrire statistiquement comment un processus performe. Pour atteindre Six sigma, le processus ne doit pas produire plus de 3,4 défauts par million d’opportunités. Six sigma est donc une approche disciplinée et orientée données ainsi qu’une méthode pour éliminer les défauts et réduire la variabilité dans les processus, au moyen de projets d’amélioration. Ces projets sont basés sur la méthode DMAIC (Définir, Mesurer, Analyser, Innover / Améliorer et Contrôler).

La qualité est souvent gérée via un système. Les normes ISO 9000 prescrivent des exigences pour l’implantation et le maintien d’un tel système. L’amélioration continue, telle que définie par le Lean, est une philosophie de gestion qui vise l’élimination de la non-valeur ajoutée dans l’organisation. Cette philosophie est sous-jacente dans ISO puisque prescrite comme une exigence. Le Six sigma a été jumelé dans le passé à l’une ou l’autre des philosophies, fournissant un cadre structuré pour les projets d’amélioration. Finalement, il n’existe aucun conflit entre ISO et Lean puisque les deux sont similaires ou complémentaires dans leur définition.

Les principes derrière ISO et Lean

Les principes ISO

Dans une organisation, il est d’usage d’établir d’abord les principes de base à respecter pour ensuite définir la culture de l’entreprise et les processus internes servant à appuyer ces principes. Ce n’est qu’après que l’on se donne les outils pour y arriver. Or, nombre d’organisations débutent par l’application d’outils pour se rendre compte plus tard qu’il aurait fallu travailler davantage sur la culture et les principes… Elles reviennent donc à la case départ. Alors ces principes, quels sont-ils?

ISO 9001 est fondé sur les principes suivants [5]:

  1. Orientation client : Les organismes [6] dépendent de leurs clients. Il convient donc qu’ils en comprennent les besoins présents et futurs, qu’ils satisfassent leurs exigences et qu’ils s’efforcent d’aller au-devant de leurs attentes.
  2. Leadership : Les dirigeants établissent la finalité et les orientations de l’organisation. Ils doivent créer et maintenir un environnement interne où on peut pleinement s’impliquer dans la réalisation des objectifs de l’organisation.
  3. Implication du personnel : Les personnes à tous niveaux sont l’essence même d’une organisation et une totale implication de leur part permet d’utiliser leurs aptitudes au profit de l’entreprise ou de l’organisme.
  4. Approche processus : Un résultat escompté est atteint de façon plus efficiente lorsque les ressources et activités afférentes sont gérées comme un processus.
  5. Management par approche système : Identifier, comprendre et gérer des processus corrélés comme un système contribue à l’efficacité et à l’efficience de l’organisation à atteindre ses objectifs.
  6. Amélioration continue : Il convient que l’amélioration continue de la performance globale d’un organisme soit un objectif permanent de l’organisation.
  7. Approche factuelle dans la prise de décision : Les décisions efficaces se fondent sur l’analyse de données et d’informations.
  8. Relations mutuellement bénéfiques avec les fournisseurs : Une organisation et ses fournisseurs sont interdépendants et des relations mutuellement bénéfiques augmentent les capacités de tous à créer de la valeur.

Les principes Lean

Le Lean de son côté propose 14 principes [7] :

  1. Basez les décisions de management sur une philosophie à long terme, même au détriment des objectifs financiers à court terme.
  2. Visez la fluidité. Progressez vers des tailles de lots et des temps de cycle toujours plus petits pour livrer rapidement de la valeur et exposer les points faibles.
  3. Utilisez des systèmes à flux tirés pour éviter la surproduction.
  4. Lissez le travail. Réduisez la variabilité et la surcharge pour supprimer les irrégularités.
  5. Instaurez une culture. Arrêtez-vous et solutionnez les problèmes pour obtenir la qualité dès la première fois.
  6. Standardisez les pratiques pour favoriser l’amélioration continue, la responsabilisation et l’autonomie des employés.
  7. Utilisez un management visuel simple pour faire émerger les problèmes et vous coordonner.
  8. Utilisez uniquement une technologie éprouvée qui rend service à vos employés et à vos processus.
  9. Formez des leaders à l’intérieur de l’entreprise qui comprennent parfaitement le travail, vivent la philosophie et l’enseignent aux autres.
  10. Développez des gens exceptionnels et des équipes qui respectent la philosophie de votre entreprise.
  11. Respectez votre réseau étendu de partenaires en les mettant au défi et en les aidant à s’améliorer.
  12. Allez voir par vous-même là où se passe réellement le travail, pour vraiment comprendre la situation et pouvoir aider.
  13. Prenez lentement mais sûrement des décisions basées sur le consensus en examinant les options possibles, et mettez-les rapidement en œuvre.
  14. Devenez et restez une organisation apprenante en appliquant un processus de réflexion systématique.

Les mêmes principes se retrouvent dans les deux approches:

Les principes derrière ISO et Lean ne sont en aucun cas en conflit les uns avec les autres! Un facteur clé dans l’intégration des deux démarches est certainement de revenir davantage sur les principes de base que propose ISO, comme l’efficacité et l’efficience. Ainsi, les similitudes deviennent évidentes lorsque l’on comprend qu’ISO n’est pas seulement une série d’exigences à satisfaire, mais bien un système qui vise, tout comme le Lean, l’excellence opérationnelle.

Les approches ISO et Lean se complètent donc bel et bien. Les deux valorisent les thèmes suivants : le client, les employés, le leadership de la direction (incluant le développement durable et l’entreprise citoyenne), les processus et systèmes (avec la notion d’excellence opérationnelle), les partenariats et l’amélioration / innovation. De plus, la comparaison des approches vient appuyer et détailler certains principes, ce qui facilite leur adoption dans l’entreprise.

ISO comme soutien au Lean ou l’inverse?

ISO et Lean misent tous les deux sur l’amélioration continue. Voilà une première raison pour les faire travailler ensemble et utiliser les forces de chacun pour pallier les lacunes de l’autre! Malheureusement, ce qui ressort trop souvent des discussions, c’est qu’ISO est tellement plate et Lean tellement excitant et nouveau!

  • Les gens voient le SMQ d’ISO comme une obligation à satisfaire pour plaire au client ou au registraire. L’exigence ayant trait à la maîtrise de la documentation a grandement contribué à cette mauvaise presse : documentez tout ce que vous faites et faites tout ce qui est documenté. Pourtant, cette exigence a bien évolué depuis.
  • La plupart des entreprises ont appris à mettre sur pied le strict minimum d’un SMQ pour obtenir la « récompense » (certification ISO). Une fois qu’elle est acquise, les efforts d’amélioration diminuent… jusqu’au prochain audit.
  • Peu d’entreprises ont vraiment misé sur les atouts réels d’un SMQ. Elles s’imaginent dans une relation parent-enfant : le parent registraire vérifie annuellement comment l’enfant se comporte. Avant l’arrivée du parent, l’enfant fait un grand ménage pour être certain d’obtenir la récompense. Cette mentalité encourage l’enfant à cacher les problèmes plutôt qu’à les rendre visibles (alors que la philosophie Lean prescrit l’inverse).

Comme nous l’avons vu en introduction, ISO accorde une grande importance aux notions d’efficacité et d’efficience. La norme ISO 9004:2009 [9] définit ainsi ces deux notions :

  • l’efficacité comme étant l’atteinte des objectifs;
  • l’efficience comme étant les ressources requises (temps et argent) par unité produite.

Or, sur le terrain, beaucoup associent l’efficacité à ISO et l’efficience au Lean. C’est faux. Pour s’en convaincre, regardons le tableau suivant [10]. Il montre le nombre de fois où les mots « efficacité » et « efficience » sont mentionnés dans ISO 9004. Voilà qui appuie le fait qu’ISO ET Lean ont comme objectif commun l’efficience.

Nombre d’occurrences des mots « efficacité » et « efficience » dans ISO 9004:

Si l’intégration des approches vous intéresse, commencez dès maintenant à faire des liens entre ces dernières plutôt qu’à les isoler l’une de l’autre. Il est primordial de cesser de considérer les philosophies comme séparées. Voyez les deux commentaires suivants, émis par un client orienté qualité et un autre orienté Lean. Les réponses à ces commentaires permettent de faire des liens entre les deux approches.

Commentaire d’un client orienté qualité : « Nous avons reçu une non-conformité de notre registraire parce que nous ne faisons pas suffisamment d’actions préventives pour soutenir l’amélioration continue ».

Réponse : Un SMQ prévoit des actions préventives, qui sont souvent des activités kaizen [11]. Même si l’exigence sur les actions préventives ne fera plus officiellement partie de la nouvelle révision de la norme ISO 9001:2015, elle est remplacée par la gestion des risques, qui propose un grand travail de prévention. Assurez-vous de bien documenter vos actions Lean! Elles doivent servir à démontrer votre poursuite vers l’excellence pour soutenir votre SMQ!

Commentaire d’un client orienté Lean : «La chose la plus difficile avec Lean, c’est de maintenir nos améliorations à long terme».

Réponse : Ce que nous observons dans la pratique, ce sont des activités kaizen qui ont lieu au nom du Lean. On a parfois du mal à maintenir ces améliorations dans le temps. Un bon SMQ fournit toute la structure nécessaire à ce maintien à long terme, ne serait-ce que par les exigences sur les informations documentées ou sur la formation des employés. Éduquez vos agents Lean sur vos processus qualité existant dans votre entreprise et apprenez-leur à les mettre à profit!

Il est clair que les concepts d’efficacité et d’efficience font partie des deux philosophies. Ces derniers ne pouvant pas être séparés, ISO et Lean ne devraient pas l’être non plus. Voyez dans le tableau suivant comment les faiblesses (perçues ou réelles) d’une approche peuvent être compensées par l’autre approche [12].

Comment ISO et Lean se soutiennent mutuellement: 

L’un des facteurs qui contribuent le plus au manque d’intégration d’ISO et de Lean est d’ordre organisationnel. En effet, ISO est souvent géré par le département qualité alors que le Lean est pris en charge par les opérations, la production ou une équipe dédiée. Chaque approche possède ses experts ou agents, gardiens de leur philosophie peu au fait des fondements de l’autre approche. Résultat : les organisations sont déchirées entre deux clans. Or, la haute direction a besoin de voir les liens étroits entre ISO et Lean pour développer l’organisation de façon à ce que les deux approches soient intégrées. C’est le rôle des agents Lean et des experts ISO de fournir l’éducation requise à tous les niveaux de l’organisation!

Concrètement, l’intégration physique des équipes n’est pas obligatoire pour réussir l’harmonisa­tion entre les deux approches. Ce qui est recommandé par contre, c’est l’intégration des principes, surtout si votre entreprise est ISO et Lean. Si vous faites partie d’une petite ou moyenne entreprise, il est possible que ces rôles soient déjà réunis sous le même chapeau. Votre défi en est donc un d’application et d’éducation.

La philosophie Lean prône aussi la décentralisation des rôles, c’est-à-dire une prise en charge par les individus partout dans l’organisation, une excellente approche à moyen ou à long terme. Néanmoins, cela demeure difficile lors du déploiement des initiatives, car si tout le monde est en charge, personne ne l’est.

Le modèle idéal existe-t-il? Peut-être que si nous oublions un peu le vocabulaire et que nous revenons à la base, la clé du succès réside dans la compréhension et l’éducation. Rappelez-vous que la finalité est toujours la même : la recherche de l’excellence par la promotion de l’efficacité et de l’efficience.

Et les Prix performance Québec là-dedans ?

Les Prix performance Québec (PPQ) reconnaissent les efforts des organisations qui ont en commun l’application des principes du management de la qualité et le déploiement des meilleures pratiques d’affaires au sein de l’ensemble de leurs fonctions et à tous les niveaux de gestion. Les principes à la base d’une organisation performante sont énumérés en détail sur le site internet du Mouvement [13] et rejoignent les approches ISO et Lean. Quelques précisions s’ajoutent : les notions de balisage, d’innovation et de responsabilité sociale, ainsi que le développement durable. Ces dimensions sont valorisées également dans les principes ISO et Lean, mais moins clairement explicitées. Une organisation qui sait conjuguer ISO et Lean maximise ses chances d’être reconnue parmi les meilleures dans le cadre des Prix performance Québec.

Auteur

Manon Duclos, ing. M.Ing., Vice-présidente, Innovation et excellence organisationnelle, Mouvement québécois de la qualité.

Références

  1. Micklewright, Mike, LEANISO 9001: Adding Spark to Your ISO 9001 QMS and Sustainability to Your Lean Efforts, ISBN-13: 978-0873897846.
  2. Covey, Stephen R., Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent, ISBN 2-75400-081-X
  3. Jones, Erick, Quality Management for Organizations Using Lean Six sigma Techniques, February 25, 2014 by CRC Press, Reference, 627 pages, 287 B/W illustrations, ISB 9781439897829, CAT# K14294
  4. ASQ
  5. Qualité Performance (France)
  6. Chris Hohmann
  7. ISO
  8. Six sigma
  9. Lean Enterprise Institute
  10. Mouvement québécois de la qualité
  11. National Learning Consortium
  12. The TQM Magazine
  13. Techtarget

Sources: 
[1] L’ouvrage Adding Spark to Your ISO 9001 QMS and Sustainnability to Your Lean Efforts de Mike Micklewright illustre bien ce fait.

[2] Voir cette explication de l’American Society for Quality.

[3] Les gaspillages se classent souvent parmi les catégories suivantes : transports et déplacements, stocks, mouvements, créativité sous-utilisée, défauts, tâches inutiles ou processus superflus, surproduction, attentes et délais.

[4] Voir cette entrée en matière.

[5] Tirés d’ISO, Principes de management de la qualité.

[6] Le terme « organisme » fait référence à l’entreprise dans le texte.

[7] Adapté de ces articles de Qualité Performance et de Chris Hohmann.

[8] Aller là où l’action est!

[9] Gestion des performances durables d’un organisme – approche de management par la qualité.

[10] Selon l’auteur de la référence 1, qui a compté précisément le nombre de fois où « efficacité » et « efficience » se retrouvent dans ISO 9004:2000.

[11] Un kaizen est une approche à long terme qui vise à effectuer de petits changements incrémentaux pour améliorer l’efficience et la qualité.

[12] Tirés de la référence 1

[13] Tiré de la page Principes de performance du site du MQQ.

 

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