Retour aux ressources
Webzine | 28 mai 2021

Dans la bonne direction

Contenu réservé aux membres

Pour les dirigeants qui s’efforcent d’instaurer une culture de la qualité et d’améliorer le rendement de leur entreprise, la compréhension du concept et de l’importance des points d’inflexion peut se révéler d’une grande utilité. Le point d’inflexion indique une modification de la courbe de rendement et annonce un point tournant, soit l’atteinte de résultats positifs.

La reconnaissance des points d’inflexion peut faciliter les parcours transformationnels. Durant une transformation vers une culture de la qualité, le point d’inflexion marque le début d’une nouvelle courbe caractérisée par une baisse des pannes ou du nombre de vices de qualité et une augmentation de la qualité des produits et services (Fig. 1).

En termes de mathématiques, le point d’inflexion désigne l’endroit où la courbure des données sur un graphique passe de concave à convexe et vice versa. Autrement dit, il s’agit du point où les données indiquent l’approche d’une descente ou d’une remontée.

En affaires, le point d’inflexion est souvent considéré par les investisseurs comme un signe annonciateur de changements en matière de rendement. En réalité, il ne fait que présager des changements, puisque le rendement n’a pas encore atteint son point tournant. Les investisseurs négligent souvent ce genre de signe, car ils souhaitent des résultats concrets.

De même, le point d’inflexion dans l’instauration d’une culture de la qualité est souvent difficile à reconnaître, tandis qu’un point tournant est aussitôt suivi d’une amélioration manifeste des résultats en matière de qualité.

En mathématiques, le point tournant est l’endroit où la pente d’un graphique passe de positive à négative ou vice versa, c’est-à-dire le point exact à partir duquel les résultats s’améliorent ou se détériorent.

Dans un cycle d’entreprise, il s’agit du moment où une nouvelle société, par exemple, cesse de cumuler les pertes et les dépenses et commence à réaliser des bénéfices. Même si cette société ralentit ses pertes au fil du temps, le point tournant est lorsqu’elle commence à faire des profits.

Dans une transformation culturelle réussie, le point tournant survient lorsque la qualité s’améliore et que le rendement négatif devient positif. Prenons l’exemple du virage qualité entrepris par l’industrie automobile après une succession de ratés dans les années 1970. Avec la complexité croissante des automobiles et des procédés de fabrication dans les années 1960 et 1970, le nombre de voitures américaines défectueuses s’est mis à augmenter, tout comme l’insatisfaction des clients.

Le 24 juin 1980, dans le cadre de sa série White Papers, la chaîne de télévision NBC a diffusé le documentaire « If Japan Can… Why Can’t We? », qui traite des méthodes de W. Edwards Deming. Passé depuis à l’histoire, ce documentaire traitait des procédés de fabrication employés par les Japonais et soulignait l’écart de qualité grandissant entre les produits nippons et les produits américains.

L’importance de la qualité ayant été ainsi prouvée (et la survie de l’industrie automobile étant menacée), les constructeurs aux États-Unis ont changé d’attitude et mis la qualité au cœur de leurs processus. À l’été 1981, par exemple, Ford a lancé sa campagne publicitaire « Quality is Job 1 »1.

Figure 1 : Points d’inflexion et points tournants

Après ce virage qualité, un point d’inflexion est survenu lorsque le taux de produits défectueux a commencé à décroître au sein de l’industrie automobile. Toutefois, ce n’est que lorsque le nombre de défectuosités par véhicule a commencé à diminuer que l’industrie a franchi un point tournant.

Qu’est-ce que la transformation?

Selon le livre How to Coach Individuals, Teams, and Organizations to Master Transformational Change: Surfing Tsunamis, « la transformation est un changement marqué de la nature ou de la fonction des systèmes organisationnels provoquant une amélioration discontinue ou échelonnée dans les secteurs de résultats recherchés »2.

Le processus de transformation suppose un point d’inflexion là où le nouveau système commence à s’approcher d’une courbe en U inverse, ce qui indique que les résultats entraîneront éventuellement un point tournant.

La transformation peut se produire dans une société, une organisation, une équipe ou chez une personne. Selon cette définition, une transformation marque un changement de résultats, c’est-à-dire une rupture avec le passé. De plus, la définition comporte une idée d’action et incite les responsables de la transformation à effectuer des changements dans les secteurs recherchés.

Certes, des transformations non souhaitées peuvent se produire. Voilà pourquoi on nomme des dirigeants et on leur demande d’intervenir pour créer de nouveaux systèmes qui permettront d’obtenir les résultats souhaités en matière de rendement. Il leur incombe de réussir la transformation vers une culture de la qualité.

Le point tournant des résultats en matière de rendement est une preuve de transformation. En effet, la survenance d’un point tournant signifie qu’une transformation est en cours, et le changement soutenu des résultats prouve qu’un nouveau système a été mis en place. En d’autres termes, on sait qu’une transformation s’est produite lorsque les résultats en matière de qualité prennent un virage positif permanent.

Transformation culturelle

Les points d’inflexion sont difficiles à déceler durant une transformation organisationnelle. Parfois, les efforts initiaux requis pour mettre la transformation sur les rails peuvent sembler vains. L’état d’esprit du personnel et l’évolution des systèmes de croyances figurent parmi les éléments fondamentaux de la transformation culturelle.

Le point d’inflexion de la transformation survient lorsque le personnel change sa perception et commence à considérer la qualité comme une stratégie essentielle pour améliorer la sécurité, la production, la rentabilité et la durabilité. Toutefois, les preuves de ce point d’inflexion et les premières tentatives maladroites d’améliorer la qualité peuvent être difficiles à trouver. C’est le début d’une courbe inverse qui, lorsqu’elle est suivie, mène à un point tournant.

Les premiers changements peuvent se fondre dans les activités courantes de l’entreprise et passer inaperçus. Les entreprises qui misent sur une culture d’innovation exigeant de la créativité, par exemple, doivent cesser de faire circuler les nouvelles idées uniquement du haut vers le bas.

La déclaration d’un besoin accru d’innovation peut témoigner d’une urgence de changer qui nuit à la compétitivité. Ce n’est qu’un pas de plus vers le constat que le chemin emprunté actuellement ne mène nulle part. Les initiatives d’innovation, telles que les programmes de perfectionnement, de formation et de mobilisation des employés, peuvent entraîner un changement d’état d’esprit, mais les résultats d’un changement de culture ne seront pas immédiatement perceptibles.

Pour illustrer un changement de culture réussi, prenons l’exemple du mouvement « Keep America Beautiful »3. Ce mouvement créé en 1953 par le National Advisory Council afin de réduire et de prévenir la pollution est encore prospère aujourd’hui.

Lorsque la première dame Lady Bird Johnson a déclaré que les déchets le long des routes, la pollution des cours d’eau et la saleté des centres-villes ne devaient pas devenir la norme, elle a su capter l’attention des Américains. Toutefois, le point d’inflexion a été franchi en 1970 avec le lancement de la campagne « Crying Indian ».

Dans cette publicité, considérée par de nombreuses personnes comme le message d’intérêt public le plus efficace jamais diffusé, on voit l’acteur « Iron Eyes » Cody en canot sur une rivière polluée, puis observant un paysage jonché de déchets. Ses traits traduisent clairement sa tristesse de constater l’ampleur de la pollution aux États-Unis.

Jumelée à la célébration du tout premier Jour de la Terre, cette publicité a contribué à modifier l’état d’esprit de gaspillage et de négligence des Américains et à créer une volonté de prise en charge.

Comme pour tous les points d’inflexion, les résultats ne sont pas apparus du jour au lendemain. Avec l’aide financière, les règlements et les amendes des États et du gouvernement fédéral, le mouvement a pu entreprendre la restauration de l’environnement. Le point tournant a été franchi lorsqu’on a commencé à dépolluer les rivières et à nettoyer les décharges, et lorsque les Américains, qui auparavant jetaient leurs déchets n’importe où, même par les fenêtres de leurs véhicules, ont modifié leurs habitudes.

Les points d’inflexion jouent un rôle central dans les transformations culturelles, qu’elles soient positives ou négatives. Pour instaurer une culture de la qualité, les dirigeants efficaces doivent savoir reconnaître les points d’inflexion. C’est à ce moment qu’ils doivent intervenir et appuyer le changement d’état d’esprit qui s’amorce pour en tirer des résultats concrets.

Pour les dirigeants qui s’opposent à une transformation culturelle non souhaitée, par exemple un glissement vers une culture qui favorise la piètre qualité, le point d’inflexion les avertit de prendre des mesures afin de protéger la culture existante.

Conséquences de la transformation

Lorsqu’on entame une transformation vers une culture de la qualité, les premières étapes ne figurent pas souvent au bilan. L’inertie d’une culture qui favorise la piètre qualité peut être sous-estimée. Recherchez et soulignez les petites victoires – les changements d’état d’esprit et les mesures qui sous-tendent ces changements. Évitez toutefois de confondre ces victoires avec un point tournant. Avant de faire cette affirmation, il faut que les changements au système deviennent permanents et que l’ensemble des résultats soient positifs.

Méfiez-vous des histoires de transformation provenant d’autres organisations. De loin, elles peuvent sembler simples et linéaires. Souvent, elles sont présentées de façon logique comme une succession de mesures à mettre en place pour atteindre le succès. Cependant, le chemin de la transformation est rarement simple et tracé d’avance. Les relations certaines de cause à effet sont habituellement surreprésentées.

Même s’ils sont difficiles à déceler, les points d’inflexion valent la peine qu’on les cherche, car ils peuvent représenter l’espoir de progrès à venir. Dans le cas d’un changement de culture axé sur l’innovation, comme celui mentionné plus haut, le point d’inflexion peut survenir lorsqu’une suite d’idées provoque un flot créatif et une surcharge d’énergie d’où peuvent ensuite surgir de nouveaux produits, de nouveaux services, voire une nouvelle entreprise.

Dans le cas d’une transformation vers une culture de la qualité, le point d’inflexion peut se traduire par une utilisation accrue des données pour la prise de décisions, une attention grandissante prêtée aux mesures ou l’importance accordée par l’entreprise aux commentaires de ses clients. Soulignez ces changements et encouragez l’adoption de pratiques et de points de vue axés sur la qualité.

Recherchez des signes de point d’inflexion en marge des activités courantes. Quels gestes, quelles paroles sortent des sentiers battus? Si les idées ou actions marginales sont maintenues, quels effets auront-elles sur la transformation? Certes, la plupart d’entre elles seront abandonnées, mais quelques-unes gagneront en force, seront acceptées et pourraient devenir la norme. Les activités et idées périphériques, comme la diffusion vidéo en continu, le magasinage en ligne, les appareils photo numériques et la messagerie texte, peuvent marquer la création d’un nouveau paradigme.

Pour éviter une transition non souhaitée vers une culture qui favorise la piètre qualité, n’ignorez pas les signes de point d’inflexion lorsqu’ils se manifestent. Dans quels secteurs la qualité a-t-elle perdu son attrait? Quels comportements indiquent que la qualité n’est plus une priorité pour l’établissement des stratégies commerciales et des objectifs d’entreprise?

Transformation personnelle

Dans notre vie, les points d’inflexion résultent souvent de petits changements autodéterminés. Un gain de poids, par exemple, est remplacé par un point tournant de perte de poids une fois que la décision d’éviter les collations mauvaises pour la santé a été prise. La personne atteint un point d’inflexion, puis la courbe malsaine commence à s’inverser.

Lorsqu’une personne marche davantage quotidiennement, son mode de vie sédentaire est remplacé par une courbe menant à un meilleur état de santé. La lecture pendant quelques minutes quotidiennement à des fins de croissance intellectuelle peut commencer à faire basculer la consommation abrutissante de télévision.

Il est difficile de concevoir que ces petits changements puissent faire la différence, mais s’ils sont maintenus, ils peuvent marquer le début d’une véritable transformation.

Lorsque vous tentez de transformer votre leadership personnel, éliminez d’abord les pratiques et les états d’esprit qui ne semblent pas fonctionner. La direction d’une transformation vers une culture de la qualité demande des changements personnels. Si ce n’était pas le cas, la transformation que vous tentez d’instaurer serait déjà une réalité.

Comment contribuez-vous au maintien d’un environnement axé sur la piètre qualité? Bien qu’elle soit désagréable, vous devez vous poser cette question, car l’instauration d’une culture de la qualité exige une amélioration échelonnée du leadership et une évaluation des réussites et des échecs passés. C’est un travail colossal.

Choisissez vos objectifs de point tournant.

Dans quelles facettes de votre vie l’engagement envers la transformation est-il le plus manifeste? Quand prévoyez-vous changer de cap? Quels changements devez-vous apporter pour atteindre ces objectifs?

Sachez reconnaître les petits changements positifs de leadership.

Prenez des risques pour mieux diriger : bâtissez des relations, établissez des ponts avec d’autres domaines, cherchez à comprendre le point de vue d’autrui et créez des liens de confiance. La victoire n’est pas encore acquise, mais le vent commence à tourner en votre faveur. Notez les changements et la fréquence des nouveaux comportements, laissez ces comportements devenir une habitude – la norme – et les résultats afflueront.

Regroupez-vous.

Communiquez vos expériences, offrez votre soutien aux autres et acceptez leur soutien durant la transformation de votre leadership.

La transformation d’une culture demande du courage. À titre de responsable de la qualité, vous devez puiser en vous profondément et provoquer une transformation personnelle. Lorsque la transformation culturelle se produira, étayée par des résultats, le point d’inflexion sera plus facile à repérer. Tirez une leçon de ce changement afin d’imprimer à votre prochain défi une courbe de rendement différente.

Sources

[1] HERNANDEZ MCGAVIN, Stephanie. « Robert Cox, Ad Man Behind Ford’s ‘Quality Is Job 1’ Pitch, Dies ». Automotive News (29 juin 2016), https://tinyurl.com/y7m7cb4w.

[2] HACKER, Stephen K. How to Coach Individuals, Teams, and Organizations to Master Transformational Change: Surfing Tsumanis, Business Expert Press (2012).

[3] KEEP AMERICA BEAUTIFUL. « Mission and History », www.kab.org/about-us/mission-history.

Auteur

Stephen K. Hacker est président-directeur général et associé fondateur de Transformation Systems International LLC, située à Bend, en Oregon. Il est titulaire d’une maîtrise en administration des affaires de l’Université de La Nouvelle-Orléans. Ancien président de l’American Society of Quality (ASQ), il en est aujourd’hui membre associé.

Cette ressource est réservée
aux membres seulement

Pour lire la suite, choisissez l’une des deux options suivantes :

Ressources similaires

Mon panier
Votre panier est vide.

Il semble que vous n'ayez pas encore fait de choix.