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Résumé de congrès | 27 mai 2021

Revue de la 36e Conférence internationale de l’Association for Manufacturing Excellence (AME)

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Entrevue d’Isao Yoshino, par Katie Anderson

Katie Anderson, auteure du livre Learning to Lead, Leading to Learn, s’est d’abord entretenue avec Isao Yoshino, qui a passé 40 années de sa vie au service de Toyota. Il figure parmi les artisans responsables des premiers pas du fabricant de voitures japonais en sol américain. La sagesse de M. Yoshino est d’ailleurs consignée dans les pages du livre de Mme Anderson.

Cet entretien d’une heure nous a permis de profiter à notre tour de tout le vécu d’un grand leader ayant eu le privilège de travailler pour une organisation aussi célèbre en amélioration continue. M. Yoshino définit en des termes assez simples le but ultime d’un leader : fournir une cible et soutenir les gens dans leurs actions pour l’atteindre, le tout en se développant continuellement. Ces cibles devraient découler d’une nécessité, c’est-à-dire d’un besoin que l’organisation ne peut se permettre d’ignorer. Il s’agit de la meilleure façon de s’assurer de l’engagement constant et indéfectible de toutes les personnes qui travailleront pour les atteindre.

M. Yoshino recommande de fixer les cibles sur un horizon de deux ans. Son point? Sur un terme d’un an, il est parfois possible de « faire semblant » et de mettre en place des initiatives qui ne résisteront pas à l’épreuve du temps. À l’inverse, sur un terme de trois ans, les gens risquent de se décourager ou de s’ennuyer (c’est d’autant plus vrai pour les millénariaux). Un terme de deux ans serait donc l’idéal!

Il a relaté une anecdote sur l’intégration des cultures. Lorsque les premiers Américains sont arrivés au Japon pour y recevoir de la formation, ils ont vécu un de leurs premiers chocs lorsqu’ils ont constaté qu’il n’y avait qu’une serviette dans leur chambre d’hôtel. Certains employés de Toyota étaient d’avis qu’ils n’avaient qu’à s’adapter. M. Yoshino a toutefois recommandé qu’on leur apporte deux ou trois serviettes supplémentaires. Pourquoi? Parce que l’adaptation au changement prend du temps et implique que les gens soient confortables.

Selon lui, le seul secret de Toyota, malgré toutes les vertus qu’on peut prêter à tort ou à raison à la prestigieuse organisation, est son attitude envers l’apprentissage en continu. D’ailleurs, il voudrait que le conseil suivant serve d’héritage de son leadership : posez plus de questions et écoutez plus!

Terminons avec deux autres particularités intéressantes relativement à la culture japonaise :

  • Un proverbe dit : « Tombez sept fois, relevez-vous huit fois ».
  • Le mot intention est une combinaison des mots cœur et boussole.

Des images éloquentes!

Data Doesn’t Speak for Itself

Cet atelier s’est révélé un véritable délice pour les gens rationnels à la recherche d’outils ou de techniques pour voir clair dans les données de leur organisation. Deux experts nous ont fait des démonstrations de la puissance des logiciels statistiques, en l’occurrence JMP Pro. Ce qui a rendu le tout particulièrement instructif? Le recours à trois exemples qui, bien que fictifs, étaient accompagnés de milliers de données qui les rendaient concrets.

Un des deux animateurs a confié que la toute première chose que devrait faire un praticien lorsqu’il se trouve devant des données consiste à en visualiser la distribution. En effet, il est facile de se perdre en tentant d’éplucher toute cette information. Quelques bons visuels, disponibles en deux ou trois clics à partir de logiciels spécialisés, permettent d’obtenir une idée générale beaucoup plus facilement.

Combien de fournisseurs sont impliqués? Quels types de défauts reviennent le plus souvent? À quoi ressemblent nos délais de livraison? Tant de questions auxquelles on obtient des réponses en jetant un coup d’œil plutôt qu’en recourant à des formules complexes. En deux minutes, un animateur avait déjà détecté un délai de mise en œuvre (lead time) dont la valeur par défaut n’avait pas été changée dans le système, occasionnant ainsi des ruptures de stock!

Parmi les participants, ceux qui n’avaient jamais vu un logiciel statistique à l’œuvre ont à coup sûr été impressionnés. Un fournisseur vous préoccupe en particulier? Cliquez sur la barre correspondante et voyez où se situent toutes les autres variables associées à ses commandes dans les autres graphiques. Vous voulez voir à qui sont destinées les commandes qui dépassent un délai de 30 jours de livraison? Idem : sélectionnez la plage qui vous intéresse et l’information vous sautera aux yeux grâce aux visuels complémentaires.

En quelques minutes, pour les cas fictifs qui étaient démontrés, les experts sont arrivés avec au moins une dizaine de pistes d’amélioration sans devoir plonger en eaux profondes dans les données. Le plus beau? Chacune des pistes dégagées était déjà objective et chiffrée! Il n’était pas question d’agir sur des impressions ou des feelings!

Si vous avez encore en tête les logiciels statistiques complexes et non conviviaux d’il y a dix ans, revisitez-les! Les fournisseurs ont fait de gros efforts pour « démocratiser » leurs solutions et les rendre accessibles. Comme la plupart des logiciels sont offerts gratuitement pour une période d’essai, vous pouvez le constater par vous-même!

En fait, la seule question qui a légèrement déstabilisé les deux experts a été posée par un participant visiblement étonné du potentiel de ces logiciels : « Que faire si notre organisation n’a pas accès à autant de données ou si les données ne sont pas fiables? » La réponse a été expéditive : « Commencez dès aujourd’hui à récolter des données : vous êtes déjà en retard! » À bon entendeur!

Seizing the Upside of Disruptive Innovation in Manufacturing

Aucun doute que l’AME a mis le paquet pour recevoir les organisations les plus avancées dans certains champs d’expertise. C’est ainsi que Peggy Gulick, directrice de la transformation numérique chez AGCO, un fabricant d’équipements agricoles, nous a démontré tout le savoir-faire de son organisation.

Quelle que soit la technologie 4.0, AGCO l’a. Nous n’avions jamais été témoins d’une adoption aussi avancée et aussi diversifiée dans une organisation, sauf peut-être à la foire de Hanovre. Lunettes intelligentes, jumeau numérique, véhicules à guidage automatique, intelligence artificielle, réalité augmentée, fabrication additive, robots collaboratifs, c’en était étourdissant!

Comment expliquer tout cela? La tolérance au risque et aux échecs. AGCO compte énormément de processus distincts, ce qui se prête bien à cette philosophie. Ainsi, si une innovation ne donne pas les résultats escomptés à l’opération X, il est probable qu’elle ait un potentiel intéressant à l’opération Y. Il est donc assez rare qu’un projet meure sur les tablettes et que les efforts qui y ont été consacrés soient vains. Évidemment, pour y parvenir, il faut une grande ouverture et une bonne collaboration entre les unités d’affaires.

AGCO a aussi simplifié ses processus d’approbation de changements aux opérations. Les quatre étapes classiques y sont : la preuve de concept, le prototype, le pilote et le déploiement. Toutefois, l’échéancier est essentiellement compressé comparativement à ce qui se fait ailleurs. C’est ainsi que les semaines peuvent devenir des journées si tout se passe bien.

L’organisation insiste aussi pour que TOUS ses employés soient familiers avec les technologies 4.0. Qui de mieux placé, en effet, que la personne qui fait le travail au quotidien pour y suggérer des améliorations? Toutefois, si cette personne ne connaît pas le potentiel des technologies d’aujourd’hui, elle ne pourra pas afficher la même capacité d’initiative ni la même créativité. Une grande place est donnée aux opérateurs. La logique? Si un employé de bureau peut décider de l’aménagement de son poste de travail en fonction de ses préférences, ce pourrait être de même sur la ligne de fabrication?

Chaque technologie était présentée dans un format pré-COVID-19 et post-COVID-19. AGCO passe à travers la crise sans accroc. Les employés doivent être à deux mètres les uns des autres? Configurons leurs montres intelligentes pour qu’elles fassent sonner une alarme de proximité. Nous avons besoin de masques? Utilisons nos imprimantes 3D.

Une belle leçon sur les avantages indéniables de la maturité numérique.

Entrevue de Thomas Rajan, vice-président, bénéfices et compensations chez American Airlines

Les compagnies aériennes font partie des industries les plus durement touchées par la pandémie. Pourtant, à la question « Comment ça va? », M. Rajan répond « Tout ce qui compte vraiment va bien. »

À ses dires, les revenus de son organisation ont baissé de 95 % en UNE journée. Il a partagé d’autres chiffres (nombre d’appareils en service, nombre de liaisons actives, etc.) qui feraient frissonner n’importe quel dirigeant. Tous ces chambardements ont donné naissance à un « commandement » chez American Airlines : ne jamais étiqueter quelque chose comme « le pire scénario possible ». Il n’est d’ailleurs toujours pas convaincu, dans sa grande lucidité, que le fond du baril a été atteint.

Cet autre dirigeant très humain cite Napoléon : « Le rôle d’un leader est de bien définir la situation actuelle, puis de donner espoir. » Certains sont trop fatalistes et se contentent d’énoncer les faits, ce qui, en cette période trouble, n’est pas très inspirant. D’autres, à l’inverse, se projettent uniquement dans un futur utopique alors que les employés sont inquiets de ce qui se passe ici, aujourd’hui. Le leader doit faire les deux. Où sommes-nous en ce moment? Quels sont nos défis actuels? Où voulons-nous aller? Plus spécifiquement, le rôle d’un leader est de guider les employés de leur réalité actuelle vers l’espoir.

Il ajoute aussi que « Why you lead impacts how you lead ». Autrement dit, la raison pour laquelle vous avez décidé d’être un leader dans votre organisation influence la façon dont vous gérez vos employés. Pouvez-vous répondre à cette question et faire des liens avec votre propre style de leadership?

Il a rappelé une pratique en vigueur chez Amazon pour mieux tenir compte des attentes du client lorsqu’il s’agit de prendre des décisions : à chaque rencontre, les participants gardent une chaise vide dans la pièce. Il s’agit de la chaise du client. Pour chaque décision prise, on imagine la réaction qu’elle aurait entraînée chez le client qui aurait été assis sur cette chaise.

Il a aussi rappelé que si vos employés estiment que les gestionnaires radotent, c’est bon signe : c’est que le message à livrer est cohérent!

Surviving and Thriving in the New Normal Through Excellence

« Mieux nous travaillons, plus la qualité de nos problèmes augmente! » Voilà l’entrée en matière de Nick Sterenberg, directeur des opérations à la brasserie Coopers, en Australie. Bon vivant, énergique, il nous a rappelé qu’il est facile de trouver des opportunités d’amélioration rapide dans un processus qui comporte énormément de gaspillages et qui n’a jamais été optimisé. Il en va tout autrement après vingt ans d’amélioration continue. Les défis qui subsistent sont complexes et, pour les relever, il faut beaucoup plus que des solutions adoptées sur un coin de table.

Il nous a aussi proposé une autre phrase-choc : il faut créer de l’insatisfaction par rapport à la situation actuelle. Une recette pour l’échec? Non, au contraire! Nous tâchons en effet naturellement d’aider les gens à voir le bon côté des choses pour les garder motivés. Or, pour M. Sterenberg, rien n’est plus sournois que le statu quo. Se contenter de la façon dont les choses fonctionnent en ce moment est le meilleur moyen de tuer l’innovation. Allez-y, parlez de ce qui ne va pas bien et trouvez des raisons d’espérer mieux!

Par rapport à l’importance de la planification stratégique, le conférencier a rappelé un fait : on tend toujours à surestimer ce qu’on peut accomplir en un an et on sous-estime toujours ce qu’on peut accomplir en dix ans. À garder en tête : une succession de plans annuels ne donnera pas les mêmes bénéfices qu’une vision à plus long terme, elle-même déployée en plans annuels successifs!

Chaque organisation est différente. Par exemple, un fabricant de voitures assemble une multitude de composantes pour en arriver à un produit final dispendieux. Dans le domaine de la bière, quelques ingrédients de base se déclinent en une multitude de produits finaux à faible coût. Selon M. Sterenberg, c’est la même chose pour les processus. Un praticien d’expérience ne sort pas les mêmes outils de son coffre chaque fois. Il faut s’assurer de bien comprendre ce à quoi on a affaire avant de sauter aux conclusions. Par exemple, l’emballage peut être considéré comme de l’assemblage, avec une série d’étapes précises à suivre, alors que le brassage de bière est un processus impliquant plusieurs variables (humidité, qualité des ingrédients utilisés comme intrants, etc.).

M. Sterenberg nous a rappelé un adage classique pour conclure sa présentation : Fast, cheap, good: pick any two. Voulez-vous livrer rapidement? Voulez-vous livrer des produits abordables? Voulez-vous livrer des produits de qualité? Difficile de réunir les trois, il est souvent préférable d’en choisir deux!

Billy Taylor, ex-chef de la diversité et de l’inclusion chez Goodyear Tires

Toute une finale! On comprend pourquoi Goodyear a confié à M. Taylor le rôle crucial d’établir les stratégies d’inclusion et de diversité pour 64 000 employés dans 22 pays. Crucial? Et pour cause. Une étude a démontré que le cerveau humain réagit de la même façon à l’exclusion sociale qu’il le ferait à la suite d’une blessure physique!

Pour bien situer son propos, il nous a invités à fermer les yeux et à nous projeter à la conférence AME de l’an prochain, qui se déroulera à Atlanta. Imaginez-vous prendre l’avion. L’agent de bord vous sert votre breuvage préféré. Le pilote vous confirme que la température est superbe et que le vol se déroulera en un temps record. Sur place, vous rencontrez un couple avec qui vous passez une soirée mémorable au restaurant. Vous assistez même à un match de basketball des Hawks au cours duquel un joueur brise l’égalité à deux secondes de la fin du quatrième quart.

Quel est le rapport, me direz-vous? Dans l’image que vous vous êtes faite de ce scénario idyllique, l’agent de bord était-il un homme? Le pilote était-il d’origine latino-américaine? S’agissait-il d’un couple de même sexe? Et le joueur de basketball était-il de race blanche? Wow! Nous sommes parfois, bien malgré nous, submergés d’idées préconçues que nous devons apprendre à surmonter pour éviter de tomber dans le piège de la généralisation et pour encourager notre esprit à s’ouvrir à la diversité. Quelle belle façon de nous faire réfléchir!

Un autre moment-choc de cette trop courte demi-heure en compagnie de M. Taylor se traduit hélas difficilement en français, mais nous tenions tout de même à le partager. Il a demandé à tout le monde de se prendre un crayon et d’écrire le mot No. Il a ensuite demandé « Combien d’entre vous ont écrit know? » Réponse? À peu près personne. C’est fascinant! Constat? Nous sommes naturellement méfiants et sur la défensive! Il a également affiché ceci à l’écran :

Opportunityisnowhere

Que décodez-vous? La grande majorité des gens ont répondu « Opportunity is nowhere » (les opportunités sont introuvables). Mais on peut également y voir « Opportunity is now here » (l’opportunité est ici ou à portée de main). Ah, ces biais avec lesquels nous vivons au quotidien!

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